Où un Fillan désespéré est même prêt à faire appel à l’autorité…
Fillan avait demandé à voir Sinidu en privé, et elle lui avait donné rendez-vous dans un bar, plutôt huppé, du centre-ville de Detroit. Elle s’était installée à l’écart, attendant patiemment devant un café.
Fillan n’arriva pas trop en retard, et fit signe au serveur
– « Bière et Schnaps mec, merci ! »
Il s’installa, pas très à l’aise, en face de la Croc D’argent, restant silencieux quelques secondes en tambourinant la table de ses doigts.
« Merci, madame, d’accepter de me parler. Juste un truc avant, je peux compter sur toi pour que cette discussion reste entre nous ? »
Un léger sourire vint habiller les lèvres de la garde du corps du grand ancien du Sept, tandis qu’elle regardait le Fianna de haut en bas.
« Ça dépend de ce qui est dit, mais de manière générale, tu peux considérer que oui. »
Fillan sortit un cigare, puis avisant le petit panneau d’interdiction de fumer, se contenta de le triturer nerveusement entre ses doigts.
« C’est un peu compliqué… Mais bon, je suis pas connu pour faire des détours, donc je me lance. C’est au sujet de votre gestion de la parentèle et de la responsabilité que ça fait peser sur Hawani. Qui décide de comment ça marche chez vous, et qui peut décider d’affranchir Hawani de cette responsabilité ?«
Le jeune Garou vit un éclair de surprise dans les yeux de Sinidu.
« C’est une décision collective d’organiser ça ainsi, et nulle n’est obligée de s’y prêter si elle ne le souhaite pas. Si les gens le font, c’est par volonté. Qu’est-ce qui te fait penser que c’en est autrement pour elle ? Et pourquoi diable voudrait-elle s’en affranchir ? »
Fillan marmonna dans sa barbe
« Pourquoi rien n’est jamais simple… »
Avant de continuer :
– Et elle le veut pas à priori… Sauf que dans les circonstances actuelles ça l’obsède tellement qu’elle est en train de partir en c.. vrille. Et surtout, c’est dur à expliquer…, ben ça crée un vrai problème entre les louves et ça va nous péter à la g.., enfin je veux dire qu’il y a un vrai risque pour la meute. Ce que je veux c’est éviter que la meute se disloque, et pour ça il faut que Hawani se sorte cette obsession de la tête… Il faut… je sais pas… qu’elle sache que vous avez plus besoin d’elle pour ça, que vous avez maintenant une autre solution pour sauver votre parentèle, qu’elle peut tranquillement penser à autre chose… »
Tout en discourant, le jeune Fillan se frottait nerveusement le crâne, anxieux;
« Bref, que ça passe au second plan pour elle. »
Sinidu semblait toujours imperturbable.
« Et tu attends quoi de moi ? Que sa mentore aille la voir pour lui dire que ce n’est pas important, que la Parentèle doit passer au second plan derrière ses problèmes existentiels de mère ? J’ai du mal à voir en quoi le fait qu’elle souhaite devenir mère crée un souci avec les autres louves. Hawani a cette envie, les autres non. C’est pour une question de pouvoir ? Elle sera obligée de transmettre le pouvoir et c’est difficile à imaginer ? Ou alors c’est cette furie noire, Kayla, qui ne comprends pas le concept de droit à disposer de son corps ? Drôle d’image pour une féministe.. »
– Je peux pas tout expliquer, c’est compliqué comme je disais… Mais ce qui arrive c’est que le choix de chacune devient une obligation pour les autres, elles pourront peut être justement pas faire leurs propres choix séparément… Et comme elles sont évidemment pas d’accord ben ça devient un vrai problème. Sauf si Hawani accepte de faire preuve de patience et se ranger à l’avis des autres, ce qui semble particulièrement compliqué… Sauf, encore, si cette obsession lui sort de la tête. »
Fillan se pencha vers Sinidu, posant les bras sur la table :
« Écoute Madame, je sais que tout ça te passe au dessus, et que tu t’en balances des états d’âmes des autres louves, mais, Hawani… La meute, c’est ce qu’il y a de plus important pour moi. Cette histoire de descendance ça va la gangréner et je peux pas laisser faire… Et puis, Hawani, elle veut pas être mère, elle veut juste pondre des Garous pour le bien commun, et c’est malsain. »
Le jeune homme se renfonça dans son siège, en grognant légèrement.
– « Un deal ? C’est comme ça que ça marche ? On peut faire un deal si tu veux. »
– Un deal ?, s’étonna Sinidu, je ne représente pas les Crocs d’Argents, et je ne suis pas une Fianna. Je ne fais pas des deals dans le fonds des arrières-cours. Si c’est trop compliqué pour que je comprenne, je ne comprends pas en effet. Je ne vois pas ce qui oblige les autres à faire des enfants en même temps que Hawani, si ce n’est une pression morale qu’elles s’imposent, ou une pression de Hawani, et je ne crois pas que la jeune femme que j’ai formée, agisse ainsi. J’ai trop d’affection pour elle pour le penser une seconde. Et bien sûr qu’elle veut juste avoir des Garous. Notre tribu se meurt, Fillan, comme notre peuple entier, mais nous plus vite. Nous avons besoin de chaque force vive pour en assurer le continuité. Tous les Crocs d’Argent ne l’ont pas compris encore, mais notre famille, ici, à Detroit, si. On ne sortira pas des héroïnes et des héros de nulle part. Ils devront sortir de ventres ronds et parfaits, purs dans leur lignée, issus de sang de héros. Se consacrer à une noble tâche qu’est ce qu’il y a de malsain là dedans ? Et puis, quand bien même, qu’est ce que tu aurais à offrir dans un deal, qu’une Croc D’argent souhaiterait ? »
– Tu as raison de pas cacher ton mépris, le contraire m’aurais déçu je crois. Mais comme je reproche aux anciens de jamais rien nous dire, je vais pas me comporter pareil, même si je m’en mordrai sûrement les doigts. Les filles sont sur le point d’accepter une bénédiction de Tambiyah, une bénédiction de fertilité, mais c’est une triple bénédiction, si l’une tombe en cloque alors les autres aussi, un moyen de multiplier les chances j’imagine. Si elles acceptent, Hawani voudra sûrement passer le reste de ses jours à vous fournir en nourrissons, mais c’est pas le cas des autres et c’est évidemment là que ça coince et ça va forcément péter. Et si elle refuse, Hawani s’en voudra jusqu’à la fin de ses jours, et je veux pas la voir comme ça, je tiens à elle au moins autant que toi, et peut-être même plus, parce que je vois en elle rien d’autre que Hawani, et pas un ventre à Garous.
Mais il se trouve aussi que cette bénédiction je l’ai déjà, donc, si j’en crois la légende ben je suis particulièrement fertile, j’aurais pu prendre la place de Hawani dans le calendrier, pour vous assurer plus de réussite et la soulager, pour lui laisser le temps de se mettre d’accord avec les autres sans avoir l’impression de mettre en péril sa parentèle. Mais je suis qu’un Fianna, pas assez pur pour vous autres, donc tant pis. Advienne que pourra. »
Au fur et à mesure de la tirade du Fianna, la Croc d’Argent ne put cacher sa surprise. Puis elle restât songeuse quelques instants, tournant sa cuillère d’un air absent, avant de reprendre :
– « Ce n’est pas du mépris, mais une simple constatation d’écart de nos attentes. Nous n’avons pas les mêmes. La bénédiction de fertilité de Tambiyah est un honneur. Si elle s’est penchée sur votre cas, ce n’est pas très surprenant. Les risques d’affrontement avec Suzaku sont élevés, mais elles devraient se plier à la nécessité, des deux côtés. Je vais ignorer ta remarque sur ce que je vois en Hawani, parce que tu te trompes. Je vais mettre ça sur la force des liens qui lient votre meute, et ne pas m’en vexer, ou demander réparation à ta cheffe.
Ta proposition n’est en effet pas recommandée, elle ne correspond pas aux critères de notre calendrier. Pour autant, si je peux te donner une idée, peut-être pourrais-tu influer sur Suzaku pour qu’elle vous force à rejeter le cadeau de Tambiyah ? Ou que son rejet de la tradition aille jusqu’à demander à Hawani de respecter sa meute avant sa tribu ? Tu vois, deux idées qui pourraient aussi s’appliquer, je ne suis pas ton ennemie. »
– « Je vois ce que tu veux dire, mais même si Suzaku force Hawani à prendre une décision ou une autre, ça changera rien à sa rancœur ou ses regrets. Ils seront juste tournés vers Suzaku… pas sûr que ce soit mieux. Et puis c’est pas trop moi qui parle aux esprits, Mia est sur le coup. Je vois pas d’issue. Après tout j’ai dis à Hawani que je lui faisais confiance, donc je vais faire ça, et attendre. Peut-être que je m’emballe pour rien. Désolé du dérangement. J’espère que ça restera entre nous. »
Avant de se lever, le Fianna plongea le verre de Schnaps dans la bière puis vida le tout d’un trait. Enfin il jeta quelques dollars sur la table.
– « C’est pour moi. »
– Assieds-toi Fillan. Nous n’avons pas fini de discuter. »
Bien que restant calme, l’autorité dans la voix de Sinidu était évidente, et ne laissait aucun doute sur l’habitude qu’elle avait d’être obéie.
Fillan hésita un instant, puis commanda une autre bière et un autre schnaps, avant de reprendre sa place en silence.
« Tout ça va rester entre nous. Pour tout un tas de raisons, je préférerai que seuls toi et moi, soyons au courant de la conversation qui vient de se dérouler, tant dans les mots, que dans les gestes et postures qui l’ont accompagnée. Posons les choses : Tu veux que Hawani se sente moins coupable ? Qu’elle vive libre de cette pression tribale ? Il y a deux solutions : soit elle a un enfant, maintenant avec quelqu’un et il est garou, soit tu lui mens sur sa stérilité supposée. Une préférence ? »
– Je pense pas pouvoir lui mentir. Et je ne suis pas sûr de comprendre, pourquoi on parle de stérilité ? Et puis ça change pas le problème qu’elle voudra mettre toutes les chances de son côté en acceptant la bénédiction de Tambiyah et si ça veut dire que les autres louves doivent aussi avoir un enfant à ce moment, ben ça fonctionne toujours pas. Je sais pas, j’arrive pas à réfléchir… »
Fillan vida sa deuxième consommation, avant d’en commander une autre. Puis sembla se parler à lui même.
– « Sauf si c’est moi qui lui fait, mais ça m’étonnerait que ce soit pas pire encore… »
« Parce que si elle se pense stérile, elle ne voudra plus d’enfants. Donc elle ne prendra plus le pendentif. Quant à ta dernière remarque, c’est une des raisons pour lesquelles notre conversation restera entre nous. Supposons que j’arrive à convaincre Mohammed d’aller lui parler et de la convaincre de cesser cette dette. Supposons. Faisons cet effort mental. Tu penses sincèrement que c’est pour le mieux d’encaisser ça ? Le rejet de sa tribu ? La reconnaissance qu’elle ne peut pas aider sa tribu ? Toi qui la connais si… Intimement. »
Fillan sembla soudain gêné, et s’agita sur son siège.
– « Euh.. non non pas intimement, enfin… Bref. Non il ne faut pas que ça arrive aux oreilles de Mohammed et non je ne pense pas qu’elle supporterait le rejet, enfin je crois pas. J’aurais pas du venir, je me suis gouré, c’est pas à moi de gérer ça désolé, ça doit être ce foutu syndrome du justicier. Après tout elles sont assez grandes. Je suis navré de t’avoir dérangé Madame, oublie ça, je vais juste leur faire confiance c’est elles que ça regarde. »
Une quatrième consommation arriva sur la table.
« J’avais juste besoin d’en parler, mes voix sont pas d’accord et je pouvais pas en parler aux Fianna, c’est tombé sur toi, navré. Faut que j’y aille, elle va mal, elle a besoin…, Fillan vida de nouveau son verre, … de la meute. »
– Quatrième consommation… C’est bien un Fianna que j’ai devant moi. Plus d’actions que de réflexions.. Si tu es venu c’est parce qu’au fond il y a cette fibre du héros, celui des légendes, de nos légendes. Tu n’as pas la lignée mais tu as le courage. Hawani aurait pu choisir pire. D’où le fait que j’accorde de l’importance à ton alerte. Et que je veux bien réfléchir à une façon de régler ton problème. Pour toi et Hawani, chère a mon cœur. Posons les choses ensemble alors. Comment tu le verrais ? Quoi faire selon toi ? Arrête de fuir. Affronte le problème, comme tu affronterais un ennemi. quels sont ses points faibles ?! »
Fillan fit à nouveau signe au serveur.
« Si c’était une ennemie ça serait facile. Elle veut donner un garou à notre peuple, et elle en a le droit et j’ai pas le droit de lui interdire. Mais elle est pas seule à décider à cause de ce cadeau empoisonné, elle est pressée et intransigeante sur le sujet, Mia pourrait peut-être comprendre, mais Kayla a la tête plus dure que mes poings et elle transigera pas non plus. Le seul truc, c’est peut-être que Hawani tient à la meute, et qu’elle voudra éviter que ça clashe, et peut-être qu’elle acceptera d’être patiente… Faut qu’elles s’arrangent entre elles je vois pas d’autre moyen loyal. »
Sinidu regardait les verres s’empiler devant le Fianna.
« Je sais que c’est propre à ta tribu, mais tu devrais éviter de consommer autant. Ton corps est une forme de temple, et même si actuellement, il est plus proche du temple de Dionysos que de celui de Zeus, il n’empêche que sur le long terme, ça peut te faire mal. Enfin bref.. Hawani est aussi une femme sage, elle pourra ajuster son comportement à celles et ceux qui l’entoure. Il n’empêche que pour l’instant, tu ne m’as pas beaucoup présenté de solutions, ni de points faibles. Tu geins et tu jappes comme un petit chiot. Allez Fillan ! »
La Croc d’Argent frappa du poing sur la table, faisant se retourner quelques instants, des gens d’autres tables.
« Inutile d’essayer de me mentir. Vous êtes ensemble, et tu sais quoi ? Je m’en fiche complètement. Ce qui m’intéresse, et la raison pour laquelle je vais te secouer jusqu’au dernier poil de ta fourrure lupine si c’est nécessaire, c’est que Hawani ne va pas bien, et que tu as jugé bon de m’en informer. Alors on va se poser ici, et on va rester ici, jusqu’au moment où on aura trouvé une solution durable. Et tu ferais mieux de te concentrer, d’arrêter de consommer des trucs qui te pourrissent le cerveau et réfléchir concrètement à la meilleure solution. Je l’ai entraînée, je la connais bien. Mais toi tu la connais encore mieux maintenant. Alors à nous deux, mentore et partenaire, on va trouver la solution pour qu’elle aille mieux. C’est ton but non ? Alors fais cet effort. Soit digne des héros de tes histoires Fianna ! Comment attaquer le problème grand guerrier ? Comment combattre cet ennemi implacable ? »
Fillan avait sursauté, en protégeant sa bière. Comme s’il s’était réveillé. Sans doute Sinidu vit que son attitude vis à vis d’elle changea du tout au tout.
« Écoutez Madame, je sais pas faire ça, c’est mon instinct de Ahroun qui me guide, c’est comme ça qu’on m’a appris. J’obéis, en général, à Hawani, c’est elle qui réfléchit et qui calcule, un ennemi je le frappe avant qu’il ne me frappe.
Hawani elle est rationnelle, droite, digne, et son foutu sens du devoir… Mais elle est abîmée, elle a été privée d’une vraie famille affectueuse, incapable de parler à sa mère autrement que comme si c’était une étrangère, mais elle le montrera jamais, trop digne, trop fière, et toujours ce foutu sens du devoir… J’en sais rien, peut-être que c’est ça, il y a des choses à finir, des trucs qu’on peut pas faire si on est enceinte, mais je suis même pas sûr qu’elle soit assez lucide pour accepter ces priorités. On parle d’une obsession, je sais pas comment ça se combat, je suis pas foutu de combattre les miennes… Je peux dire qu’elle est ma faiblesse, je doute que ce soit réciproque. »
Les poils du Fianna se hérissaient, comme s’il se sentait acculé, prêt à bondir pour se défendre.
Un sourcil de Sinidu se releva, et le jeune homme put sentir son aura d’autorité se répandre :
« Tiens, une autre excuse. Ahroun cette fois-ci. Normalement après tu vas me parler de ton éducation, de ta famille, de ton esprit-totem, de l’organisation de la meute. Je te les liste en avance, comme ça on peut s’épargner ce temps perdu. Je t’ai dis d’arrêter de geindre et de chercher des excuses.
Un héros a aussi des obsessions. Simplement, il les tourne du bon côté, du côté de l’amélioration de sa vie et de celles des autres. Si Hawani a cette obsession, c’est qu’elle estime qu’elle doit rendre à sa tribu ce qu’elle a obtenu. Passons sur le fait que je considère ça légitime. Nous sommes dans la même optique : lui permettre d’aller mieux. Quand tu as une obsession, tu fais comment pour la chasser ? Tu la remplaces. Maintenant, Fillan, avant que tu ne me bondisses dessus pour m’attaquer, dis-moi : Par quelle obsession, on pourrait la remplacer ? Qu’est-ce qui rendrait Hawani encore plus fière ? Qu’est-ce qu’elle veut obtenir plus que des enfants ? Allez ! Tu dois le savoir, consciemment ou non. Laisse ta Rage de côté, laisse le Ahroun de côté, et penche toi sur ce que tu sais d’elle. Laisse parler ton amour, au lieu de ton sang. Allez Fillan, je sais que tu peux le faire. »
Si la tirade avait été ferme, la dernière phrase se voulut plus amicale.
– « Hohoho ! J’aime cette dame Petit-Loup, on dirait qu’elle te connaît depuis toujours !
– Ha merde c’est vraiment, vraiment pas le moment !
– Au contraire, c’est le moment, que tu te reprenne et que tu te concentre, répond à ses questions ! Allez !
– Mais… Je sais pas ! Elle aime les muffins !
– Putain… Si j’avais des mains je te ferais une Mia, un bonne paire de gifles. Les Muffins ? Sérieusement ? »
Fillan crispa ses doigts sur la table et ses ongles s’enfoncèrent dans le bois. Les lèvres retroussées, il planta son regard dans celui de Sinidu.
– « Ok. L’autorité c’est son truc, elle est sûre d’être née pour commander, elle veut gagner en pouvoir et en influence, est-ce qu’on peut être cheffe en étant enceinte ? »
« Bien sûr qu’on peut. C’est quoi cette question ? Tu l’aurais posée à ta mentore peut-être ? »
Sinidu eut un petit sourire au coin des lèvres :
-« Ma mentore… c’est elle qui pose les questions, elle y répond pas, au moins vous avez ça en commun. Vous avez formaté Hawani à ça, commander et donner une progéniture aux Crocs-d’Argent, y a rien d’autre qui la motive, je vois pas ce que vous essayez de me faire dire.
– Je n’essaye rien, Fillan. J’ai aidé Hawani à se rendre compte de ce que nous devions toutes et tous à notre tribu. Mais elle n’a jamais été que le fruit de mon entraînement. Hawani est une personne entière, elle peut avoir d’autres passions, d’autres désirs que ceux que je lui ai inculqués. Je n’avais jamais parlé de toi par exemple, et ça ne l’a pas empêchée de l’avoir, ce désir. Et tout ce que je dis, c’est que si tu veux l’aider, et puisque je veux l’aider, il faut soit défaire cette obsession, soit la remplacer par une autre, soit lui faire admettre qu’elle a réussi à remercier la tribu assez pour ne pas avoir besoin de faire des enfants. Et tu sembles baisser les bras avant même d’avoir essayé. Enfin.. oui et non. ça dépend des fois. Tu sembles avoir du courage, la preuve tu es venu me voir, alors que tu savais le risque que votre secret te brûle trop la langue. Et pour autant, tu sembles baisser les bras à la moindre difficulté concernant Hawani. Tu as des sentiments pour elle, bien sûr, mais elle n’est pas un roc immuable. Caché derrière son apparente solidité, il y a également des sentiments, un cœur, un cerveau. Si elle veut donner un ou plusieurs Garous à la tribu, qu’elle le fasse. Trouve lui en le moyen. Personne n’a dit que ça ne devait être que des enfants..
« Ça mène à rien, j’en ai ma claque, tu parles d’un héros… »
Le jeune Fillan se leva de nouveau.
– « Même pas en rêve Petit-Con, tu me poses ce foutu cul de psycho sur cette chaise et tu branches les trois neurones que Gaïa t’a donnés !! Jasmine, pense à Jasmine !
– Mais quoi Jasmine !? Qu’est ce que tu veux que je foute de cette tarée, elle recrutait des… »
Toujours debout, le Fianna agitait les bras, semblant parler dans le vide sous le regard inquiet des autres clients. Puis il se figea une seconde, avant de se rasseoir en écarquillant les yeux.
Il agita son index vers Sinidu :
« Jasmine ! Son débile de savant fou il savait détecter les Garous, ils les envoyaient dans une saleté de centre pour les reconditionner ! J’avais bien l’intention d’aller y faire un tour de toutes façons et de tout… Non de Gaïa, y’a tout ces pauvres Garous à sauver et à ramener ! T’es…. Vous êtes un putain de génie Madame !! »
Fillan se pencha brutalement, attrapa la tête de Sinidu à pleines mains et l’embrassa.
Abasourdie par le geste du Fianna celle-ci resta figée durant plusieurs secondes.
– « Jasmine ? Qu’est ce que vous allez en faire ? Elle est sous la garde du Conseil pour le moment.. Et ce n’est pas une façon d’agir Fillan ! C’est complètement impoli et irrespectueux ! Tu n’as donc aucune éducation !! »
– Au contraire, j’embrasse pas les gens que je respecte pas, voyez ça comme un élan de Fianna ! », lança t-il avec un clin d’œil.
« Je m’en fout de Jasmine, je vous la laisse. Par contre je dois pouvoir savoir où est ce centre. Il y a des Garous à sauver, des Garous assez paumés pour avoir échoués là dedans, et qui auront besoin de familles, de meutes, de tribus, c’est pas un moyen de grossir nos rangs ? De trouver des géniteurs et des génitrices ? De toutes façons il est pas question de les abandonner. »
Fillan regarda Sinidu de façon appuyée :
« Et désolé par avance mais je n’attendrai pas l’aval du conseil, c’est une question de vie ou de mort. »
Il marqua une courte pause pour vider son verre.
– « Et puis vaut mieux pas qu’on parle de mon éducation… »
Reprenant ses esprits, la femme parvint à reprendre la discussion :
« Comme je te l’ai dis, ça reste entre nous, tant dans le positif que dans le négatif. Donc je n’informerai pas le Conseil discrètement. Tu devrais quand même envisager de le faire. Même un simple mot, apaiserait votre relation..
Tu sembles penser qu’elle va accepter.. Comment tu va lui présenter ça ?
… Et effectivement, nous n’allons pas parler de ton éducation.. Si jamais tu veux t’assagir.. On doit pouvoir faire des cours de rattrapage.. »
– Je lui laisserai pas le choix, et je parlerai pas au conseil, mais je suis pas tout seul dans la meute, d’autres le feront rassurez-vous. Et puis j’ai rien d’autre, faudra bien qu’elle accepte. M’assagir ? pourquoi ? Après tout ça fait partie de mon charme. »
– Allez on trinque. », ajouta t-il avec un clin d’œil et en levant sa septième bière.
Sinidu secoua la tête de dépit :
« Je le fais pour Hawani, que ça soit clair. Si je garde le silence, c’est pour elle, pour son bonheur, et parce que tu m’as dis que c’était important. Si ça devait ne pas l’être.. Je saurai prendre les mesures qui s’imposent. »
Puis elle leva sa tasse, la cognant contre la bière de Fillan
– « Pour Hawani.
– Je me doute que vous le faite pas pour moi, restons sur ce qu’on a en commun, Hawani. Mais y a pas de soucis, si ça l’aide pas je me punirai tout seul. Et pour sceller ce deal conclut au fond d’une arrière cours, j’ajoute une chose, un Fianna ne reçois pas sans donner, si grâce à vous je la sors du trou alors je vous en dois une, et Petit-Loup ne reprend pas ce qu’il offre. Un jour faudra me montrer des photos de quand elle était gamine, je suis sûr que je vais kiffer. »
Le Fianna vida sa dernière bière.
– Merci Sinidu. Je dois y aller, si je veux l’aider maintenant j’ai du boulot. »
Sinidu soupira légèrement :
– « Je pense qu’elle n’aimerait pas du tout ça, et ce n’est pas ainsi que fonctionne ma tribu. Nous verrons plus tard, quand Hawani ira bien, cette histoire de dettes etc… Essaie juste de la faire aller mieux, d’accord ? »
Elle ajouta, avec un petit sourire :
– « En tout cas, bonne chasse, puissant Ahroun, te voilà revenu sur ton terrain. »
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