Loup-garou Kayla 77 : Shadows and lights III A

Le vent se lève en Afrique...

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Une douleur lancinante à la tempe. Une odeur, douceâtre et métallique. Des gémissements tout autour. Un noir plus profond qu’une nuit sans lune. C’est tout ce qu’Oya parvenait à percevoir. Touchant son collier de mariage, elle s’efforça de se rappeler…

Oya eut un rire ravi en découvrant la petite plage d’or au bord d’un lac d’un bleu nuit envoûtant. Neesim sourit puis l’embrassa fougueusement :

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«  On dit que c’était un lieu sacré pour nos ancêtres, en particulier les élus de notre Mère Tenga Zid-Wendé, je me suis dit que ça bénirait encore plus notre union…

C’est magnifique… et on aura bien besoin de cette bénédiction si j’en crois les regards que m’ont lancés Kadiatou et Mère… Kadiatou te voulait pour elle, et généralement, elle obtient ce qu’elle veut… L’aînée et des formes parfaites ! Choisir une quatrième fille sans dot et pas spécialement jolie, tu as des goûts bizarres », le taquina-t-elle d’une voix légèrement incertaine.

Il sourit en la serrant dans ses bras et lui caressant doucement les cheveux :

«  Il y a plusieurs formes de beautés, Kadiatou possède seulement la plus évidente… toi, tu as des yeux noirs comme la nuit, ton parfum enivrant, ta voix mélodieuse… et puis tes mots.

– Ah, c’est parce que je suis l’apprentie de ma grand-mère, la meilleure lunsi qu’on ait eu depuis 3 générations ! Tu veux que je récite les exploits de tes ancêtres royaux, c’est ça, tu veux juste que je chante ta gloire ? , la taquina-t-elle. Ses yeux sombres démentaient ses propos.

Si tu veux créer un chant pour ce moment, ce sera avec joie ! , déclara le jeune homme, solennel.

Peut-être plus tard, fit Oya avec un sourire mutin en l’attirant contre elle.

– Attends… avant que l’on ailles plus loin, je dois te dire quelque chose. Tu as peut-être entendu des rumeurs sur certaines branches de notre peuple qui avaient de la magie ou des esprits-animaux…

Bien sûr, mais peu importe si vos sorciers sont plus puissants ou plus sages ! ».

Neesim parut incertain :

« C’est un peu plus que cela… certains d’entre nous le cachent même à leurs proches, à tous ceux qui n’ont pas les mêmes dons, mais… je ne pense pas que ça aide à l’équilibre. Je… Oya, cette « magie » est aussi en moi. Elle est puissante, mais n’aies pas peur, je ne te ferai jamais de mal !

Eh bien quoi, tu es un adze possédant ce corps qui peut se transformer en luciole et va me dévorer demain ?, tenta-t-elle de plaisanter, mal à l’aise.

– Non… j’ai une part de Tenga en moi. Une part animale… je peux me transformer… je vais te montrer, je te promets de ne pas bouger… ».

Et sous son regard ébahi, les yeux noisettes de son promis se mirent à briller dans la nuit…

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Oya revint au moment présent. Dans la quasi-obscurité, tous les yeux étaient fermés ou désespérés. Aucune teinte surnaturelle… elle appela, d’une voix cassée, et n’entendit d’abord que des gémissements et des plaintes. Puis, elle reconnut une voix aimée :

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«  Poko ! Tu as été capturée aussi ?!

Comme toux ceux qu’ils n’ont pas tué… même si je sens que Tenga ne tardera pas à me libérer.

– Ne dis pas ça ! Neesim et les autres guerriers vont revenir ! Ils nous trouveront ! ».

L’ancienne eut un sourire triste :

« Ne sens-tu pas les mouvements de notre cage ? Je ne doute pas du courage de nos guerriers, mais ils ne pourront pas franchir les mers…

Neesim pourra ! Tu ne sais pas… tout ce dont il est capable ! 

– Ton… mari pourra-t-il marcher sur l’eau ? », les interrompit une voix sarcastique et défaite.

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Oya se tourna vers le fond de cette pièce malodorante :

«  Kadiatou ?! Qu’est-ce que tu fais là ?!

J’ai été capturée moi aussi, qu’est-ce que tu crois ?! Sans nos guerriers, nous n’avions aucune chance… », fit sa sœur d’un ton piteux qui ne lui ressemblait guère.

Oya fronça les sourcils :

«  C’est vrai, et d’ailleurs cette attaque pile au moment où ils étaient partis lutter contre les raids songhais, si près des Falaises de Bandiagara… elle s’interrompit, horrifiée. Kadiatou… »

Elle rampa péniblement vers sa sœur pour mieux la voir :

« Dis-moi que tu n’as pas fais ça ? Tu sais ce que les démons blancs vont nous faire ?!

– Des choses monstrueuses », sûrement, rétorqua Kadiatou d’une voix amère, en détournant les yeux.

L’accablement envahit Oya. Sa sœur et elle n’avaient jamais été très proches, mais depuis…

« Les Mandingués ! Ils viennent nous attaquer !, s’exclama le petit Jatau en entrant en courant dans le village. Neesim et Oya sortir de leur maison immédiatement :

Tu es sûr ?, l’interrogea Neesim avec une urgence dans la voix.

– Oui ! Je les ai vu depuis le baobab du puits !

– D’accord ! Préviens tout le monde, vous savez ce que vous devez faire. »

Dès le passage de Jatau, tous les villageois se terrèrent au plus profond de leurs foyers. Il se mit à courir vers le puits tout ôtant ses vêtements. Quelques secondes plus tard, il hurlait à la guerre…

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Quelques dizaines de minute plus tard, des voix rassurantes retentirent pour inciter les villageois à sortir : les Mandingués avaient fuient devant les courageux champions mossi… Ils ne laissaient derrière eux que quelques rares cadavres. Oya retrouva Neesim et l’enlaça ardemment.Les cris de joie résonnaient dans tout le village. Mais alors qu’une grande fête commençait pour célébrer leur victoire, une voix tremblante, discordante se fit entendre :

«  Vous… vous êtes tous des monstres ! ».

Kadiatou pointait un doigt vers Neesim et ses compagnons dans un mélange de terreur et de dégoût. Oya la regarda, soudain inquiète :

« De quoi parles-tu ? Lui et les autres nous ont sauvés des Mandingués ! Tu devrais leur être reconnaissante !

– Je l’ai ai vu !, persista sa sœur. J’ai vu leur nature inhumaine, démoniaque ! Ce n’est pas l’aide des esprits qui a fait fuir nos ennemis, c’est Neesim et les autres qui se sont changés en monstres ! ».

La Lunsi s’approcha alors, apaisante, posant une main sur la joue de la jeune femme :

« Kadiatou… tu as dû voir un des nôtres forcés de tuer l’un des leurs, et ton esprit a été tellement horrifié qu’il a tout réinterprété de travers…

Mais non, je t’assure ! Ils avaient des griffes et…

– Je sais, je sais, la guerre est affreuse, tous les esprits ne peuvent pas endurer ces horreurs. Ca passera, je t’aiderais, je connais des plantes… 

Autour d’elle, d’autres villageois venaient voir Kadiatou avec sympathie. Mais cette dernière restait imperméables à toutes les paroles autour d’elle, passive. Mais Oya put cependant l’entendre murmurer une dernière chose qui lui laissa un sentiment de peur durable :

« Ces yeux oranges démoniaques, monstrueux… ils étaient là. ».

Oya saisit sa sœur par les épaules :

« Même après que Poko t’aies parlé, tu n’as jamais accepté que tu avais tort ! Ils nous ont sauvés !

Je sais ce que j’ai vu ! Je ne sais pas quel genre de… créature ils étaient, mais j’ai vu Neesim et ses 4 compagnons, ils n’étaient plus humains, c’était… comme les légendes, tu sais les Ajab, ces hommes-hyènes… », Kadiatou frissonna.

Oya la secoua :

« Quoi que tu aies vu ou cru avoir vu, ils nous ont sauvés ! Neesim et les autres ! Toi tu nous a livrés !

– Non ! Je voulais juste… qu’ils ne puissent pas se retourner contre nous. Qu’on les emmène, loin…

Tu pensais vraiment que les Dahomey allaient s’attaquer à…

Elle fut interrompu par une lumière aveuglante : la trappe au-dessus d’eux venaient de s’ouvrir… deux visages pâles comme la mort apparurent. L’un d’eux pointa plusieurs femmes dont Kadiatou, et l’autre descendit le fouet à la main pour les forcer à le suivre. Malgré toute sa fureur, Oya ne put s’empêcher de ressentir un élan de pitié tandis que sa sœur disparaissait par le trou de lumière…

«  Oya, écoute-m… », la voix de Poko se fit entendre avant de se transformer en toux. La jeune femme se rapprocha péniblement, inquiète :

« Grand-mère ? Tiens, prends un peu d’eau, tu es brûlante de fièvre… ».

Sa mentore secoua la tête, les yeux fiévreux :

« Je passerai bientôt de l’autre côté… ma blessure s’est infectée. Mais toi, tu dois vivre ! Tu es la prochaine Lunsi, tu dois l’être pour tous ceux ici, il n’y a plus d’ennemis… et puis…

– Non ! Je te soignerai, tu as toujours été forte, tu…

– Il n’y a déjà pas de quoi manger et boire pour tous… et notre lignée ne doit pas s’éteindre, tu portes la vie en toi.

– Quoi ?! Comment… ».

Mais la vieille femme ne semblait plus la voir, frissonnant et gémissant, la peau brûlante. Oya lui mouilla légèrement le front et lui fit boire quelques gorgées de son gobelet.

Peu après, Kadiatou et les autres furent violemment repoussées dans la cale. Kadiatou, encore plus meurtrie, tenta de la rejoindre, mais Oya la repoussa d’une main. Kadiatou tressaillit, les larmes aux yeux. Sans rien dire, elle posa une petite gourde devant elle.

Poko se remit à tousser et après une brève hésitation, Oya attrapa la gourde sans regarder sa sœur pour lui en donner quelque gorgées. L’ancienne lui saisit la main et reprit dans un dernier souffle en la regardant droit dans les yeux :

visions of a city daydream

« … Oya… vis ! Pour ta fille et pour tous ceux à venir… de l’autre côté de la mer, vision of city and descendants comicv3dans des tours qui grimpent jusqu’au ciel… des clés… contre… sombre éternité… cité… lumière… , avant de retomber lourdement sur le sol.

Grand-mère ? Grand-mère ! Réveille-toi… ».

Mais la sage était déjà en route pour d’autres rivages… Alors Oya s’effondra à son tour : à quoi bon ? Sa… Kadiatou avait raison, elles étaient loin de tout ce qu’elles connaissaient, Neesim ne pourrait jamais la retrouver au milieu de milliers d’esclaves, de centaines de destinations possibles… vivre toute une vie d’esclave, condamner son enfant également… ne vaudrait-ils pas mieux faire confiance aux dieux de l’autre côté ?

C’est alors qu’elle sentit une main sur son épaule : Kadiatou l’avait finalement rejointe. Elle murmura :

« Je sais que je mérite de mourir. Rien de ce que je pourrai faire ne pourra… mais toi, Poko a raison, tu ne dois pas abandonner. Tu es notre nouvelle Lunsi, et apparemment ta fille ou ses enfants seront essentielles pour… l’avenir ? Il faut que tu sois là si on doit en avoir un. Je… je peux t’aider.

Oya la fixa intensément sans répondre durant de longues secondes, puis répondit finalement :

– Et pourquoi devrais-je te faire confiance ?! Comment ?!

Je… je ne te demande pas de me pardonner, je veux juste… faire ce que je peux pour toi et pour ceux de notre peuple qui sont ici. Et puis… quelque soit les m… ce que j’ai vu, les… créatures en lesquelles j’ai vu Neesim et les autres se changer… ils ne sont pas aussi terribles que… ceux de là-haut. Peut-être que Neesim pourra nous retrouver malgré tout. Ou peut-être que ton enfant, et d’autres… pourront nous défendre un jour contre les démons blancs. ».

Oya se sentait incertaine, perdue face à tout ce qui s’était passé, face à cette nouvelle Kadiatou… quand elle sentit une vibration au plus profond d’elle-même. Elle eut un minuscule sourire, puis déclara enfin, d’une voix grave :

« D’accord. Pour notre peuple, pour ma fille, j’accepte. Tu es prête à tout faire pour m’aider, nous aider ?

– A tout, répondit sa sœur sans hésiter.

Eh bien, tu auras au moins deux protectrices féroces au milieu de cet enfer…, chuchota Oya.Je t’apprendrai nos histoires, qui nous sommes, nous ne devons pas oublier d’où nous venons pour savoir où nous allons… ma petite fille d’entre les mondes… ».

Épuisée, Oya but quelques gorgées d’eau et se laissa enfin sombrer peu à peu dans le sommeil… Une odeur salée lui parvint de loin alors que la trappe se rouvrait : elle se jura qu’un jour, tous ceux qui avaient voulu soumettre le vent subiraient la tempête…

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